samedi 11 juin 2016

6-10 juin 2016 - Campagne bathymétrique et géomorphologique

1. CONTEXTE ET OBJECTIFS

Pour la première fois dans le Tronçon Court-Circuité (TCC) particulièrement difficile d'accès, une campagne bathymétrique (mesure de la profondeur) des mouilles (zones profondes à courant lent du chenal) a été faite dans le Tronçon avec une haute densité de relevé de profil en travers. Elle a été complétée de relevés granulométriques. L'objectif de ces mesures était, avant la reconfiguration de l'aménagement hydroélectrique, de caractériser le milieu physique impacté par l'absence, depuis plus de 70 ans, du franchissement du barrage par la charge sédimentaire grossière. En effet, celle-ci est totalement piégée par la retenue de 3,5 km formée par le barrage. Il était également de disposer d'un état initial, antérieur à la reconfiguration de l'ouvrage, de la topographie et de la granulométrie des fonds de manière à pourvoir ultérieurement caractériser la nature et l'ampleur de l'impact du réaménagement (remise en circulation de la charge solide grossière, migration de cette dernière dans le TCC et stockage dans les mouilles).

La campagne de mesure a été conduite du barrage de Poutès au lieu-dit "le Sapet" situé à environ 2.0 km en aval de l'ouvrage. C'est dans ce tronçon que les expertises géomorphologiques ont montré que le déficit sédimentaire et l'impact sur la géomorphologie du chenal étaient les plus forts. Les relevés de terrain ont été réalisés par une équipe de quatre personnes du laboratoire GEOLAB et de la Maison des Sciences de l'Homme de Clermont-Ferrand, dont 3 hydrogéomorphologues. Les mesures et relevés ont nécessité un fort engagement physique des chercheurs dans le milieu austère et isolé de cette section des gorges de l'Allier, et dans une eau à 13°C... Afin d'être le plus efficaces possibles, les chercheurs ont opté pour la légèreté et des déplacements de nage en eau vive, notamment pour passer les rapides avec un maximum de sécurité. Dans le TCC, EDF maintient un débit constant (5 m3/s), sauf en période de crue où l'ancien lit retrouve un débit naturel.
Les protagonistes (de gauche à droite et de haut en bas) : 1) Erwan ROUSSEL, Ingénieur de recherche Université Clermont-Auvergne, hydrogéomorphologue ; 2) Olivier VOLDOIRE, Assistant Ingénieur CNRS, instrumentation scientifique ; 3) Franck Vautier, Ingénieur de Recherche CNRS et MSH Clermont-Fd, hydrogéomorphologue ; 4) Jean-Luc PEIRY, Professeur Université Clermont-Auvergne, hydrogéomorphologue.

2. MÉTHODOLOGIE

La campagne de mesure a été réalisée en trois étapes : 

- JOUR 1.
De façon à disposer d'un système de repérage absolu et pérenne de la topographie des fonds, et qui serve de référence pour identifier les impacts futurs, les chercheurs ont procédé à la mise en place d'un réseau géodésique d'une quarantaine de points. Ces points ont été géoréférencés à l'aide d'un DGPS TRIMBLE GEO 7X, récepteur GNSS qui dispose de 220 canaux et permet de travailler avec les constellations GPS, GLONASS, BEIDOU, GALILEO, QZSS, ce qui est indispensable dans ce milieu en gorges, très fermé, et pour lequel l'ouverture sur le ciel est faible (important masques liés à l'encaissement des gorges et à la végétation arborée couvrant les rives). Les positions des marques géodésiques sont obtenues avec une précision centimétrique et la ligne d'eau a été cotée par rapport à ce système de référence. Les marques géodésiques ont été positionnées en amont et en aval de chaque rapide.

JOUR 1 : Installation d'un réseau géodésique dans le TCC (de gauche à droite et de haut en bas) ; 1) perçage du granite ; 2) installation d'une marque géodésique ; 3) positionnement DGPS de la marque géodésique ; 4) cotation de la ligne d'eau par rapport à la maque géodésique. 


- JOURS 2 et 3
La seconde série de mesures a consisté à dresser la topographie des fonds du cours d'eau court-circuité. Soixante-seize profils en travers ont été levés à l'aide d'un ADCP SonTek RiverSurveyor S5. Cet appareil profile la topographie du fond du chenal et mesure la vitesse du courant qu'il restitue sous la forme de cellules colorées de taille variable (0.02 à 0.5 m) grâce à une technologie fusionnant plusieurs fréquences acoustiques (suivi du fond, mesure des champs de vitesse du courant, et calcul du débit). Le positionnement absolue des profils grâce au DGPS permettra de revenir sur les mêmes points dans l'avenir et de mesurer les changements topographiques provenant de la remise en circulation de la charge grossière actuellement et depuis 1940 totalement bloquée dans la retenue hydroélectrique (environ 60.000 m3).

JOUR 2 et 3 : Levés de profils en travers et de profils de vitesse dans les mouilles du TCC (de gauche à droite et de haut en bas) ; 1) installation d'une corde par le opérateurs de part et d'autre des rives ; 2) positionnement DGPS du point d'origine de la mesure ; 3) convoyage de l'ADCP d'une rive à l'autre via la corde tirée par les opérateurs ; 4) la mesure est pilotée par un micro-ordinateur relié par connexion bluetooth placé à quelques dizaines de mètres du transect échantillonné ; 5) détail du pilotage de la mesure ; 6) mise en sécurité de l'ADCP sur une planche gonflable pour passer les rapides.

- JOURS 4 et 5.
La troisième série de mesure était destinée à caractériser la granulométrie des sédiments constituant le fond du chenal. Initialement, il était prévu de réaliser des clichés du fond avec une caméra immergée montée sur un quadrat en aluminium et de les exploiter ensuite au laboratoire avec un logiciel de comptage granlométrique. Malgré divers essais d'éclairage et de réglage, la méthode s'est révélée inapplicable en raison de la turbidité de l'eau (présence de matière en suspension) et de l'absence de contraste des fonds provenant de leur couverture par un épais film de diatomées (algues unicellulaires) de couleur brun-verdâtre.
L'équipe a donc dû s'adapter aux conditions de terrain et nous avons opté pour des relevés granulométriques à partir d'une méthode utilisée en hydroécologie pour caractériser visuellement le substrat lors des prélèvements des macro-invertébrés benthiques.

Echelle granulométrique de WENTWORTH (1922) modifiée dans MALAVOI et
SOUCHON (2002) Bull. Fr. Pêche Piscic. 365/366 : 357-372. 

Les relevés ont été réalisés en rive droite le premier jour et en rive gauche le second jour, chaque observation étant positionnés avec une précision infra-métrique à l'aide du DGPS Trimble GEO 7X. Au total, plus de 500 relevés granulométriques ont été réalisés et géoréférencés (environ 250 par rive).

Essai infructueux de mesure granulométrique en canoë gonflable à l'aide d'un quadrat portant une caméra GoPro.
Relevés granulométriques au DGPS le long des deux rives du cours d'eau : 1) dans une zone de rapide ; 2) dans une zone présentant un fort pavage de blocs de taille 256-520 mm.

 3. EXEMPLE DE RÉSULTATS

Détection de la topographie du fond et des champs de vitesse par bathymétrie ADCP

Exemple de deux des soixante-seize profils obtenus par les relevés ADCP : les courbes vertes (figures du haut) matérialisent le suivi du fond sur le profil en travers (bathymétrie) ; les cellules colorées (figures du bas) matérialisent la distribution des vitesses dans ces mêmes transects.
 
Granulométrie du fond par imagerie
Images du fond issues de la prise d'image automatique d'un quadrat avec deux condtions différentes d'éclairage. Le très fort recouvrement du fond par des algues benthiques réduit considérablement la capacité à reconnaître l'identification des particules et de leur taille.

Restitution cartographique brute des relevés granulométriques réalisés dans le chenal le long des berges et géoréférencés au DGPS
Extrait cartographique des résultats bruts obtenus d'après les 550 relevés granlométriques réalisés dans le TTC entre le barrage et le Sapet. L'image du haut présente la situation immédiatement sous le barrage ; l'image du bas dans une zone rectiligne du 1/3 inférieur de la zone couverte par l'étude.

samedi 4 juin 2016

2 juin 2016 - Report sine die des travaux de reconfiguration de Poutès

L'équipe apprend le 3 juin, par un pêcheur qui a suivi la veille un reportage de France 3 Auvergne, le report sine die du programme de reconfiguration du barrage de Poutès. Les travaux de rabaissement du barrage de Poutès, qui devaient débuter le 15 juin 2016, sont reportés à juin 2017, au moins. La viabilité de la concession a été remise en question par la baisse du prix de l'énergie et le contexte économique défavorable que traverse EDF.

Les saumons et les sédiments attendront encore un certain temps avant de passer dans de meilleures conditions qu'aujourd'hui l'aménagement hydroélectrique. 

Lien vers l'article de France 3 Auvergne


Zone de mise à l'eau, sous le barrage de Poutès, le 09 juin 2016.

vendredi 3 juin 2016

30 mai - 3 juin 2016 - 6ème campagne hydroécologique

La semaine du 30 mai au 3 juin 2016, une nouvelle campagne hydroécologique a été conduite. L'équipe est revenue avec 80 échantillons de macro-invertébrés et autant de diatomées collectés dans les 3 faciès d’écoulement qui constituent un "seuil" géomorphologique (voir photo - plat courant, radier et rapide), mais également dans les mouilles. 

Faciès hydrauliques échantillonnés sur les seuils géomorphologiques. Cette unité est celle où la qualité des habitats est la plus forte, ce qui en fait la zone la plus adaptée pour évaluer la qualité du cours d'eau au droit du point d'échantillonnage.


En 2016, la campagne a eu lieu plus tôt que les autres années car nous voulions être certains de procéder à une collecte avant une première phase d’émergence printanière des insectes aquatiques. Nous avons ainsi pu observer de nombreuses Perla peu avant leur émergence ou au moment de leur émergence (cf. photos), surtout en amont du barrage (station d’Alleyras). Ensuite, nous avons retrouvé les Perla plusieurs kilomètres en aval du barrage (secteur de Chateauvieux).

Comme chaque année, une forte diversité de taxons était présente, surtout à la station 1 dans l’eau et sur les berges comme des libellules Gomphidae.
Quelques espèces spécifiques de chaque faciès hydraulique de l'unité géomorphologique "seuil".

Libellules Gomphidae sur les berges du haut-Allier.

Perla sp. dans sa phase aquatique puis aérienne.